Élever le niveau de qualité dans l’accueil extrafamilial des enfants et faire des pas courageux vers une politique nationale de la petite enfance

Depuis l’entrée en vigueur, en 2003, de la loi fédérale sur les aides financières à l’accueil extrafamilial pour enfants, près de 63'000 nouvelles places d’accueil ont été créées avec le soutien de la Confédération pour une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle. Les représentants-es d’associations et d’organisations liées aux crèches, aux organisations de familles de jour et aux offres d’accueil parascolaires ont salué ce financement, tout en mettant en garde contre le risque que ce développement quantitatif ne s’accompagne pas d’une amélioration de la qualité de l’accueil. En 2005, ils-elles ont adopté une charte contenant les exigences pour la qualité dans l’accueil extrafamilial qui reste toujours actuelle aujourd’hui.

Pour appuyer les exigences de cette charte, les associations et organisations impliquées ont créé, en mai 2006, l’association Réseau suisse d’accueil extrafamilial. Celle-ci s’engage, avec la charte signée par ses membres, pour un niveau élevé de qualité dans l’accueil institutionnel des enfants.

Le financement de la Confédération, des cantons et des communes a rendu possible un accroissement massif du nombre de places d’accueil. En revanche, rien n’a changé en ce qui concerne la qualité de l’accueil qui reste en partie insuffisante. On observe même une diminution constante du niveau de qualité en raison de la forme actuelle des directives et du financement de l’accueil extrafamilial. Ce constat ressort très clairement du processus médiatique déclenché par un article du magazine en ligne «Republik» et qui a rapporté, pendant plusieurs mois, des informations sur la situation depuis décembre 2019.

Le Réseau d’accueil extrafamilial est préoccupé par la dégradation lente de la qualité dans l’accueil des enfants. Il appelle donc à s’éloigner du système actuel d’accueil extrafamilial qui ne correspond plus aux besoins d’aujourd’hui, dans l’intérêt d’un développement sain des enfants concernés, mais aussi dans l’intérêt des parents et de la société pour laquelle l’encouragement et l’éducation des enfants constitue une ressource centrale.

Cette année, la table ronde, qui est l’organe représentant les membres du Réseau d’accueil extrafamilial, s’est penchée sur cette problématique en février 2020 et a adopté les cinq exigences suivantes:

A. Les membres du Réseau suisse d’accueil extrafamilial demandent de meilleures conditions cadre et davantage d’investissements de la part des collectivités publiques


1. Reconnaître l’accueil préscolaire comme partie intégrante du système éducatif

L’accueil de jour d’enfants au sein d’institutions est reconnu socialement et politiquement comme partie intégrante du système éducatif et doté d’une mission et de conditions cadre comparables avec l’école publique. La formation, l’accueil et l’éducation de la petite enfance constituent une tâche contraignante que la collectivité publique doit assumer à tous les niveaux politiques.

La formation ne commence pas qu’à l’âge de quatre ans. En ouvrant la frontière artificielle qui sépare la formation de la petite enfance des étapes qui lui succèdent, de solides chaînes de formation et d’accompagnement sont rendues possibles. La formation de la petite enfance doit être prise en compte dans le système éducatif en tant que fondement du parcours de formation. L’encouragement précoce a pour objectif d’offrir aux enfants un environnement qui stimule les apprentissages, dans lequel ils peuvent faire une multitude d’expériences avec eux-mêmes et le monde. Il améliore, entre les enfants, l’égalité des chances en ce qui concerne leur développement et favorise leur intégration sociale, à conditions que tous les enfants y aient accès.


2. Exiger un plus haut niveau de qualité pédagogique

Les directives cantonales et communales pour l’accueil de jour des enfants au sein d’institutions doivent fixer des exigences en termes de qualité pédagogique afin de donner un cadre stimulant aux enfants dans leur développement individuel.

Tout comme la tâche de formation qui incombe à l’école, l’accueil extrafamilial doit se voir attribuer une tâche éducative à caractère contraignant, permettant un encadrement qui favorise l’accompagnement et l’encouragement individuel des enfants. Le Réseau suisse d’accueil extrafamilial et la commission suisse de l’UNESCO ont publié, dans cette optique, l’ouvrage de référence « Cadre d’orientation pour la formation, l’accueil et l’éducation de la petite enfance en Suisse».


3. Plus de personnel et de meilleures qualifications dans le domaine de l’accueil

Le travail dans le domaine de l’accueil d’enfants au sein des institutions est réalisé et coordonné par un nombre assez grand de personnes au bénéfice d’une formation, dont une partie importante dispose d’un diplôme du degré tertiaire.

Un haut niveau de qualité dans l’accueil, l’éducation et la formation des enfants exige un personnel suffisamment disponible et qualifié, capable d’assumer la responsabilité pédagogique pour toutes les catégories d’âge.

L’ensemble du personnel d’accueil doit être au bénéfice d’une formation appropriée et une proportion significative des professionnels-les doit posséder un diplôme du degré tertiaire. Les formations continues formelles doivent être développées. Au niveau du taux d’encadrement, il s’agit de s’assurer qu’il y a toujours assez de personnel en service pour réaliser la mission pédagogique, mais également que les collaborateurs-rices disposent d’assez de temps pour des tâches de développement, de préparation et d’évaluation de leur travail, en plus du temps consacré directement aux enfants. Toutes les personnes qui sont en formation ne doivent plus être prises en compte dans le calcul du taux d’encadrement.


4. Garantir des ressources suffisantes pour les autorités de contrôle

Le contrôle cantonal et communal est réalisé par des professionnels qualifiés pour qui le soutien aux processus de développement de la qualité doit être la mission centrale. Ces personnes veillent à une fréquence adéquate des contrôles et se focalisent avant tout sur la qualité pédagogique.

Les autorités de contrôle s’assurent que les directives pédagogiques des cantons et des communes soient respectées dans les différentes institutions. Elles comprennent leur mission essentiellement comme une forme de soutien aux institutions en termes de processus de développement de la qualité. Des personnes qualifiées et expérimentées doivent se charger de ces tâches. Les autorités de contrôle demandent clairement à être développées afin de pouvoir contrôler régulièrement et garantir le respect des directives tout en contribuant au développement de la qualité dans l’accueil pour enfants.


5. Augmenter massivement le financement de la part des collectivités publiques

L’accueil institutionnel pour enfants nécessite des contributions financières massivement plus élevées de la part des collectivités publiques afin de pouvoir mettre en œuvre sa tâche éducative et réaliser sa fonction sociale d’offre de première nécessité en tant que partie intégrante du système. L’accueil doit par ailleurs être accessible et finançable pour tous les parents.

Faute de subventions des collectivités publiques, les tarifs des structures d’accueil extrafamilial sont trop élevés pour beaucoup de parents, en particulier en Suisse allemande. L’Etat doit investir davantage dans l’accueil extrafamilial, autant sur le plan qualitatif qu’en terme de réduction des frais pour les parents. Il s’agit d’une mesure d’une grande importance en faveur de l’égalité des chances entre enfants et pour la prévention de la pauvreté. En Suisse, les investissements publics dans le secteur de la petite enfance devraient rapidement atteindre la moyenne de l’OCDE.

B. Mesures politiques immédiates pour une politique nationale de la petite enfance au-delà de l’accueil extrafamilial

Les développements vers une meilleure qualité de l’offre dans le domaine de la petite enfance étaient et sont encore essentiellement le fruit d’initiatives d’organisations non-gouvernementales. Encore récemment, avec la campagne « Les enfants dessinent l’avenir », une modification de la Constitution fédérale a été demandée en vue d’une politique coordonnée de la petite enfance. La campagne est portée par le Réseau suisse d’accueil extrafamilial avec la collaboration de kibesuisse comme partenaire national et pro enfance et TIPI comme partenaires régionaux en Suisse romande, respectivement au Tessin.

Une modification de la Constitution fédérale est un projet à longue échéance. Mais des progrès doivent être faits dès à présent. Le Parlement ne doit, par exemple, pas se contenter de la proposition minimale de sa Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-CN) en ce qui concerne la mise en œuvre de l’initiative parlementaire 17.412 égalité des chances dès la naissance (Aebischer PS, BE), car celle-ci est à peine une goutte dans l’océan : la commission souhaite soutenir les cantons dans le développement d’une politique de la petite enfance et a décidé, par 17 voix contre 8 que la Confédération peut, pendant une période de 10 ans, accorder des aides financières uniques à quatre cantons au maximum chaque année, soutien qui durerait pendant trois ans, avec un montant annuel de 100'000 Francs.


Le Réseau d’accueil extrafamilial exige en revanche:

  • Des moyens nettement supérieurs et le soutien aux communes et aux organisations nationales au-delà du financement de programmes et de paquets de mesures cantonaux;
  • La coordination étroite entre ce financement incitatif et le processus d’élaboration d’une stratégie nationale de renforcement et de développement continu de l’encouragement précoce des enfants en Suisse, avec le financement nécessaire pour des structures pérennes et durables au niveau fédéral, à commencer par la création immédiate d’un organe de coordination des questions de petite enfance au sein de l’OFAS;
  • L’accroissement des ressources de la Confédération pour la promotion des mesures favorisant la coopération verticale et horizontale ainsi que le développement de compétences (art. 18 à 21 LEEJ) dans l’ensemble de la politique de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
Résolution du Réseau d’accueil extrafamilial «Élever le niveau de qualité dans l’accueil extrafamilial des enfants et faire des pas courageux vers une politique nationale de la petite enfance»